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Dans le cadre de la sortie notre magazine, le TechLabo.com, nous avons interviewé plusieurs TLM impliqués dans la crise COVID-19.
Interview de Marjorie
Marjorie 42 ans, 1 enfant,
J’habite à 2 heures d’ici, ce qui me fait la bagatelle de 4h de trajet domicile/travail par jour.
Je travaille maintenant dans un laboratoire de Virologie à saint Antoine et auparavant toujours en virologie mais à Tenon. En fait, j’ai commencé dans un laboratoire de virologie, j’ai fait autre chose et je suis revenue dans un laboratoire de virologie.
Vous semblez aimer la discipline ?
Voilà, tout à fait.
Avez-vous été informée des modalités de prise en charge du COVID-19, pensez-vous avoir été suffisamment informée ?
Oui, oui, il y a eu des affiches partout, partout et on a été informé oralement à plusieurs reprises par notre cadre et notre cheffe de service. En fin de compte les informations arrivaient continuellement.
Pour vous, vous diriez que vous étiez incluse dans le groupe de prise en charge du COVID-19 ?
Oui, oui, oui.
Qu’elle a été donc votre implication au sein du laboratoire ?
Du coup j’ai mis en place les premières techniques pour ce qui étaient PCR dans le P3 au sein de l’hôpital avec un biologiste qui m’avait expliqué ce qu’il voulait en fait et donc j’ai mis en place tout ce qui était matériel, technique et formée mes collègues pour la suite.
Le P3 n’est pas situé dans le même bâtiment que la virologie.
Pourquoi un P3 ?
Par ce que c’était la norme de sécurité pour traiter le prélèvement puisqu’il n’était pas encore déclassé. Par la suite il a été déclassé en P2 mais malheureusement on n’a pas de P2 chez nous en virologie, d’ailleurs on a eu la chance d’avoir un P3 sur l’hôpital.
Comment fonctionniez-vous concrètement avec un P3 délocalisé ?
Alors le P3 au départ ça a été assez vite, du jour au lendemain on a été formé. Je les connaissais un petit peu les conditions puisque j’avais déjà travaillé en P2 mais on nous a fait une piqûre de rappel sur les consignes pour travailler en P3. L’après-midi même je mettais en place tout le matériel qui était nécessaire, le lendemain je mettais en place la technique avec la biologiste référente et le surlendemain on attaquait directement la routine de tous les patients qui arrivaient à saint Antoine. Donc ça a mis 2 jours en gros.
Le P3 servait à traiter le prélèvement, à le lyser à la base, en fait pour des raisons de sécurité.
Le fonctionnement était assez complexe puisque nous recevions l’ensemble des prélèvements du GH en virologie à Saint Antoine par coursiers, navettes ou agents selon la provenance. Nous les enregistrions, les traitions donc au P3 puis nous les ramenions inactivés au laboratoire où des coursiers les acheminaient à Trousseau pour la technique PCR proprement dite soit l’extraction, l’amplification car ici nous n’avions pas d’automate adéquat, pas d’extracteur ni d’amplificateur dédiés. C’était vraiment un véritable travail à la chaine où la moindre minute était importante où toute l’équipe du biologiste au cadre, techniciens ou agent de réception avait un rôle bien précis tant ici à Saint Antoine qu’à Trousseau, tout devait être synchronisé et nous étions en relation permanente entre les 2 sites.
Puis quand le virus a été déclassé en P2 et qu’à Trousseau ils ont remis en route ou plutôt aux normes leur P2, de ce fait on pouvait envoyer tous les prélèvements directement à Trousseau donc du coup j’ai été porter main forte à Trousseau.
Si je comprends bien, vous avez suivi les prélèvements ?
Oui effectivement, j’ai suivi les prélèvements.
En étant en première ligne tant à Saint Antoine qu’à Trousseau, comment avez-vous ressenti la charge de travail durant cette période assez cruciale de démarrage et de prise en charge immédiate ?
Ça a été du coup soudain, on ne pouvait pas s’attendre à autant du jour au lendemain au fait, on est passé par exemple du jour au lendemain de 80 prélèvements à 300-400 par jour qui arrivaient. Donc c’est vrai que quand reçoit 1 ou2 et puis qu’après on reçoit des sachets de 30. Tout le monde est resté calme on a traité mais c’est vrai que c’était énorme, énorme.
Quand vous dites calme, vous ne ressentiez pas de sensation de stress ou autre ?
On n’avait pas trop le temps en fait on a tous travaillé d’arrache-pied en fait.
Et la cohésion de l’équipe, elle n’a pas été entachée, elle était toujours garantie à ce moment-là ?
Oui, oui, oui, pas de souci, tout le monde s’y est mis. On n’a pas eu le temps honnêtement de n’avoir pas de cohésion.
C’était un plus pour vous cette cohésion ?
Bah oui, oui, de toute façon, je pense qu’il n’y a pas vraiment eu le temps, chacun savait ce qu’il avait à faire, on n’avait pas le temps de commencer à tergiverser, il fallait faire, point à la ligne.
Avez-vous eu de l’aide d’autres collègues à Saint Antoine ou à trousseau, comment vous l’avez perçue ?
Beaucoup de la bactério qui nous a proposé leur aide, du matériel, ce qu’il fallait. Des collègues se sont joint à nous, des anciennes de la virologie, on a reformé des anciennes, voilà. La perception de cette aide, vraiment super. Avec les anciennes collègues, tout le monde a repris ses marques très vite un peu comme si elles n’étaient jamais parties en fait. Elles ont été positionnées en renfort.
Les témoignages envers les soignants quels qu’ils puissent être, vous les avez ressentis comment ?
Oui ça fait plaisir, ça fait chaud au cœur, c’est clair.
Les autres petits plus, repas… ?
C’était vraiment super car on n’avait pas forcément le temps d’aller faire des courses, moi comme j’habite loin quand je rentrais tout était fermé, je ne pouvais pas faire de course et donc grâce à ça j’avais de quoi manger, tout ça et puis financièrement c’est sur ce n’est pas une période facile non plus donc c’est sur ça a vraiment aidé, ça c’est clair. Dans l’Yonne ils n’applaudissaient pas par contre !
Dans le même registre, vos proches, comment percevaient-ils votre implication en sachant que vous travaillez dans un laboratoire de virologie.
Comment décrire riiez-vous leur attitude vis à vis de vous ?
Je pense qu’ils ne se rendaient pas bien compte, ils ne se rendaient pas compte de ce que cela peut être. Les gens ne se rendent pas compte du travail que ça a été, je pense qu’ils s’imaginent qu’on a énormément de travail tout le temps, je veux dire de cette cadence-là. Je pense qu’ils ne se sont pas rendu compte que les analyses doivent être faits, les gens ne comprennent pas ça, ils ne savent pas que voilà ils sont aux urgences ils voient le médecin mais ils ne savent pas que derrière il y a un laboratoire, derrière ils passent les analyses, ça ils ne comprennent pas et donc du coup il ne se rendent pas compte que l’on peut être amené à passer de 60 en routine à 340 par ce que c’est quasi ça. Ils ne savent pas, ils ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas le résultat tout de suite. Ils ne savent pas qu’une PCR ça met 5heures. Je pense qu’ils ne se rendent pas compte que l’on a été capable de faire 340 patients en 1 journée sur une technique qui met 5heures.
Et du coup comment appréhendez-vous la suite puisque l’on va passer à la phase sérologique ?
La sérologie, c’est des grosses machines qui absorbent 100 à 120 patients et qui donnent des résultats toutes les minutes, voire moins que ça, donc ce n’est pas pareil, ça va passer dans la machine c’est pas pareil.
Donc le stress devrait être moins ?
Ça n’a rien à voir bien sûr.