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Association Française des Techniciens de Laboratoire Médical (AFTLM)

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16 juillet 2020

Au coeur de la crise - Interview de Jordan, TLM Hôpital Bichât, AP-HP

Dans le cadre de la sortie notre magazine, le TechLabo.com, nous avons interviewé plusieurs TLM impliqués dans la crise COVID-19

Interview de Jordan GARCIA, TLM dans le département de Génétique du CHU Bichat, AP-HP.

Comment s’est mise en place l’aide apportée par le service de Génétique au service de Virologie ?

Dès Janvier et les premiers cas de Covid19 en France, notre cadre nous a prévenus que certains laboratoires risquaient d’avoir besoin de renforts si l’épidémie prenait de l’ampleur mais que cela semblait lointain. A ce moment, quelques techniciens étaient déjà volontaires pour être formés et partir en renfort. Quelques semaines plus tard, mi-mars, nous sommes allés visiter le laboratoire de virologie afin de voir l’organisation et poser nos questions aux techniciens sur place puis lors d’une réunion en fin de journée deux premiers volontaires ont été demandés pour commencer dès le lendemain. Fin mars deux autres techniciens volontaires nous ont rejoints en virologie.

Quelles ont été vos motivations ?

Le diagnostic en génétique est généralement rendu dans des délais de plusieurs mois, nous n’avons donc pas la même notion d’urgence. Pour ma part, le fait de rendre des résultats en quelques heures et le besoin immédiat m’ont vraiment motivé.

Comment s’est déroulée la formation en Virologie ? Y-a-t-il eu des difficultés particulières ?

La formation a été très rapide afin d’être autonome dans les plus brefs délais pour soulager les techniciens en place. Nous avons été formés sur l’automate d’extraction dans un premier temps. La détection du virus étant faite par PCR en temps réel, nous étions déjà formés sur cette technique donc l’adaptation a été assez simple. Le plus compliqué était de se faire à la nouvelle organisation et surtout au L3.

Comment ont été organisés les plannings ?

Les plannings étaient faits par la cadre de Virologie semaine par semaine mais ce n’était pas rare que les horaires changent du jour au lendemain. Deux autres plannings étaient disponibles pour les volontaires afin de faire les gardes jusqu’à minuit ainsi que le weekend. Lorsqu’un(e) technicien(ne) effectuait une garde, un repos était donné le lendemain sous forme de mise en réserve. Les premières gardes n’ont pas été compliquées mais plutôt stressantes et fatigantes. Pour être opérationnel sur les gardes, j’en ai doublé une avec Manel, une technicienne de Virologie, de 10h30 à minuit afin de voir l’organisation le soir avec l’effectif très restreint, puis j’ai effectué ma garde le lendemain de 18 h00 à minuit avec deux biologistes.

Y’a-t-il eu des difficultés particulières au niveau des contraintes horaires, des transports, vie personnelle ?

L’amplitude horaire étant beaucoup plus large qu’en Génétique, il fallait s’adapter. Des gardes étaient en place jusqu’à minuit et les premier(e)s technicien(ne)s arrivaient à 7h30. J’ai dû prendre mon véhicule faute de transports en commun comme beaucoup d’autres collègues. Lors des gardes, des taxis étaient payés pour pouvoir rentrer sans danger après ces grandes journées.

Comment s’est passée l’intégration au sein de l’équipe de Virologie (avec les technicien(ne)s, liens avec la « hiérarchie » ?

L’accueil fut très bon. Tous étaient contents d’avoir du renfort et nous avons très vite pris nos marques au sein de cette nouvelle équipe.

Quelle a été l’évolution du nombre de prélèvements ? En quoi consistait le travail technique ? Y’avaient-ils des missions particulières ?

Concernant le travail technique, deux paillasses étaient en place pour le diagnostic Covid19. La première, sur laquelle nous avons été formés, consistait à extraire l’ARN viral à partir des écouvillons nasaux puis à réaliser une RT PCR grâce à un kit prêt à l’emploi. Les biologistes pouvaient ensuite rendre les résultats après interprétation. Pour la deuxième paillasse, un COBAS 6800 était utilisé permettant de donner un résultat directement dans le logiciel du laboratoire. Un autre automate, le QIAstat, était utilisé pour les urgences permettant d’avoir un résultat en une heure dix.

Avez-vous eu peur pour vous ou vos proches ?

Non pas du tout car des EPI étaient disponibles et le laboratoire a l’habitude de travailler avec des virus dangereux donc aucun souci à se faire si l’on respectait le port de ces protections. Cependant, malgré les EPI, si un collègue ne sentait pas bien, il se faisait diagnostiquer et un petit stress et le doute s’installaient.

Vous êtes-vous senti au cœur du soin ?

Il est vrai que pendant cette crise sanitaire, le fait d’être mobilisé contre le Covid19 permet de se sentir plus utile. C’est une sensation assez étrange car le diagnostic génétique n’a pas été stoppé pour autant mais on se sent plus proche de l’action.

Vous êtes-vous senti soutenu par l’encadrement voire par l’Hôpital ?

L’encadrement direct a toujours été disponible pour répondre à nos interrogations et nos demandes en Virologie comme en Génétique, toujours du mieux que possible malgré une organisation très changeante.

Y’a-t-il eu des petits gestes de réconfort ?

Oui. Nous avons eu beaucoup de gestes de réconfort et de dons pendant cette période. Nous en sommes très reconnaissants.

Y’a-t-il eu une reconnaissance financière particulière ?

La prime exceptionnelle pour les personnels soignants et les heures supplémentaires majorées font partie de cette reconnaissance.

Que vous a apporté cette expérience, au niveau personnel, professionnel ? Et à l’échelle des laboratoires ?

Cette expérience m’a fait connaître de nouvelles organisations dans un laboratoire, de nouveaux fonctionnements et une approche nouvelle du travail de technicien de laboratoire. Cette crise nous a permis de montrer que la collaboration entre laboratoires était tout à fait possible et pouvait être mise en place rapidement.

Etes-vous fier d’être Technicien de Laboratoire Médical ?

C’est un métier qu’il faut prendre au sérieux et qui nécessite de s’engager pleinement dans les analyses que l’on fait.

Que pensez-vous de la reconnaissance professionnelle des TLM au niveau du public, de la direction hospitalière ?

De mon point de vue, les TLM ne sont que très peu reconnus car nous ne sommes pas « proches » physiquement des patients, en dépit du fait que notre travail impacte la prise de décision sur des traitements, des prises en charge ou l’identification de pathologies. Il en est de même pour d’autres professions.

Y’aura-t-il un avant et un après Covid pour vous personnellement et pour la profession ?

Il est clair qu’une crise de cette ampleur fait voir les choses différemment et j’espère que l’après Covid ne redeviendra pas comme l’avant Covid. J’espère que certaines choses changeront et seront améliorées à la suite de cette crise.